Etienne Hamon, historien, professeur d'histoire de l'art médiéval, université de Picardie Jules Verne.
Du milieu du XIVe au début du XVIe siècle, l’Europe a connu une succession de crises et de mutations qui affectèrent profondément le processus de la commande artistique et ses formes d’expression. Au Nord, l’architecture gothique se renouvela en explorant des voies originales dans le rapport entre structure et décor. Mais c’est en France, où d’innombrables chantiers s’ouvrirent à partir du milieu du XVe, que la place de l’ornement architectural fut à la fois la plus déterminante et la plus controversée dans la définition d’un nouveau langage artistique et dans sa réception.
Cette époque, en effet réputée pour ses formes de dévotion ostentatoires, fut aussi traversée par des courants réformateurs rigoristes. Et les fondations bourgeoises les plus austères ont vu le jour en ville tandis que les cloîtres les plus délicatement décorés fleurirent chez les cisterciens. Les historiens d’art français du début du XIXe siècle n’ont eu de cesse de stigmatiser les prétendus excès de ce courant architectural au moment même où ils le baptisèrent d’un terme inspiré par les ornements qui lui sont associés, celui de « flamboyant ».
Depuis un demi-siècle, le regard sans préjugé porté sur l’ornement flamboyant a permis d’en saisir les motivations ; d’en apprécier l’économie générale dans le panorama monumental et l’économie particulière au sein de l’édifice ; d’en décrypter la subtile syntaxe et d’en comprendre la virtuose mise en oeuvre. Les multiples déclinaisons de cet ornement illustrent ainsi l’image dynamique et complexe de la société française, qui assigne à l’homme et à la nature leur nouvelle place dans le langage familier de l’art gothique, qualifié alors de « moderne », tandis que c’est à l’« antique » que ce rôle échoit en Italie. La contamination du premier par le second suscitera de surprenantes mais éphémères créations.