Le gouvernement italien veut mobiliser l’armée pour mettre un terme au business mafieux des déchets toxiques en Campanie.
Depuis 1991, la Camorra a enfoui ou brûlé illégalement 10 millions de tonnes de déchets industriels entre Naples et Caserte. Conséquence : un empoisonnement des sols et des nappes phréatiques et une forte hausse du nombre de cancers. Selon l’institut national d’oncologie Pascale, ils ont augmenté de 40% chez les femmes de la région et de 47% chez les hommes.
“Tous les jours, on voit des gens, des enfants, des bébés, des femmes, des adultes, toutes sortes de gens tomber malade. Nous ne savons pas si c’est un coup du sort ou autre chose. Je ne comprends pas. Nous sommes fatigués, ils nous ont détruits,” se lamente un résident.
Cette zone rurale a désormais deux surnoms macabres : “le triangle de la mort”, pour les nombreux décès précoces, et “la terre des feux”, en référence aux innombrables incendies allumés pour brûler ces déchets toxiques : bitume, amiante, colles industrielles, solvants, pneus, conteneurs et frigo. Certaines sources évoquent même la présence de déchets nucléaires dans les sols.
Comment de telles pratiques ont-elles pu avoir cours, au vu et au su de tous ? Apparemment, les entreprises du nord et du centre de l’Italie ont préféré fermer les yeux sur les méthodes de la Camorra afin de se débarrasser de leurs déchets à des tarifs défiant toute concurrence. Les prix étaient en effet plus élevés dans les entreprises respectueuses des règles.
Un indicateur avait pourtant vendu la mèche il y a 15 ans. Mais les complicités de la mafia à tous les niveaux – notamment en politique et dans la fonction publique – avaient été jugées trop embarrassantes pour être révélées au grand jour. Les autorités italiennes avaient préféré étouffer l’affaire sous couvert du secret d’Etat.
L’intervention de l’armée proposée par le gouvernement Letta vise aujourd’hui à rectifier le tir, mais dépend encore de l’aval du parlement.
Dans une lettre ouverte au président Giorgio Napolitano publiée samedi dans la presse italienne, l’archevêque de Naples, le cardinal Crescenzio Sepe dénonce “un véritable drame humanitaire”. Ils appellent à des mesures urgentes pour mettre fin à cette situation.