POP'TIMISME - Galerie
Jordi Vidal / Clément Cividino / Andreïna Mastio
Comme un renversement de la réalité, il est couramment admis de nos jours qu’en utilisant la culture pop sous toutes ses formes on a voulu faire de la jeunesse une classe de consommateurs. Alors qu’en fait, c’est parce que la jeunesse des pays capitalistes des années 1960 était devenue une très importante catégorie de consommateurs que sont apparus les divers courant qui composent la pop culture. Variante du Pop art, le Op art est passé immédiatement dans la décoration et l’habillement, manifestant le moment où l’art qui n’était plus qu’une mode devient directement l’art de la mode.
Pop art et op art sont en fait le même prop-art, l’art de la propagande qui vous presse de survivre avec votre temps.
Dans Pop’timisme, notre approche prend le contre-pied du Pop art qui, à la manière de Lichtenstein, décompose en morceaux les comics. Il s’agit plutôt pour nous de rendre à la culture populaire son contenu en lui restituant sa grandeur, sans ignorer les ambiguïtés de la démarche : nous sommes toujours fascinés par cela même que nous critiquons.
Dans Pop’timisme rien n’est jamais démonstratif, tout est volontairement biaisé.Le temps d’une exposition, le design, la mode, l’art ne quitteront jamais l’enceinte des Galeries Lafayette, sinon pour quelques hors-champ significatifs. C’est dire que l’exposition évoque, dans un même mouvement, la marchandise et simultanément sa critique.
Dans ce portrait des années 1960 prolongées, un certain sens de la perte semble consommée et par instants nous semblons nous en réjouir. Comme si, participant de loin à une commémoration marchande de cette perte nous souscrivions, même implicitement, à l’apologie d’un logo actif.Pendant que les marchandises dialoguent comme dans un jeu vidéo, les humains réduits aux rôles de consommateurs/spectateurs sont stimulés par une culture pop pour laquelle l’icône dynamique a remplacé l’être humain. Comme William Gibson nous interrogeons ce qui s’est dispersé dans le cyberspace. Nous nous fondons dans la masse des spectateurs/consommateurs ; d’abord convertis en corpuscules et ondes puis reconvertis de manière indistincte en imagerie planétaire à la surface monotone et vaine des écrans de télévision, d’ordinateur et de téléphone portable.C’est cette dissolution que traduit si bien le travail plastique de Bernard Joisten.
À l’inverse de la critique situationniste du spectacle, nous n’attaquons jamais frontalement la marchandise , ni ne la dénonçons de l’extérieur pour mettre en cause les processus d’addiction et de réification qu’elle suscite :rien n’est jamais stigmatisé. À un certain niveau de rouerie dans l’entreprise nous devons même admettre qu’il nous arrive d’aimer ce que nous dénonçons. Un vide signifié : vide qui nous fascine par son propre pouvoir de fascination.
Piégés par un simulacre, nous proposons, à titre d’expérience personnelle, de déconstruire le dispositif qui légitime notre apparente passivité en nous interrogeant sur le pouvoir pervers et ambigu de l’addiction.Comme le réclamait déjà Marcel Duchamp, notre regard opère un travail mental et expérimental qui entraîne l’œuvre sur le terrain de la critique. Tout en confirmant la thèse selon laquelle il est impossible de changer le monde avec une bonne ou une mauvaise image, nous suggérons qu’on peut le modifier durablement en changeant les formes de sa représentation.
Qu’il s’agisse de design, d’art, de performance, de mode; qu’il s’agisse d’objets, de photographies, de vidéos, Pop’timisme utilise le langage de son temps pour nous éprouver et nous confronter à son extrême pouvoir de séduction. Nous donnons à voir une absence qui nous ressemble et semble parfaitement nous convenir.L’arène des Galeries Lafayette nous est devenue commune et nous masque les conflits du monde réel : ceux-ci nous sont devenus étrangers au point d’être invariables et interchangeables.Dans cette arène la réalité semble être dissoute et, communiant en un même regard, nous sommes surpris de vibrer à cette fusion planétaire rythmée par des incrustations publicitaires.Le flux d’images se confond avec le bruit de fond de l’époque qui rend équivalents tous les signes, toutes les informations et toutes les valeurs. Nous nous identifions et vénérons des icônes dynamiques rendues à leur plus simple expression : afin de fédérer par un simulacre librement consenti le système monde de la dépossession généralisée.
Une heure ordinaire dans une arène ordinaire un jour ordinaire dont rien ne devrait subsister, sinon le dispositif qui pose ses conditions et définit cette journée comme extraordinaire : comme la visite d’un parc dont tu te souviendras toute ta vie !