Emile Lelouch
Ayant perdu ses parents très tôt, à un âge ou on ne meurt pas, il avait élevé ses frères et sœurs tout seul, c'était l’aîné, Certes ils se souvenaient tous de la maltraitance qui leur était infligée, mais la haine qu'il déployait à notre encontre n'existait pas .
Ma sœur et moi , bénéficions d'un « traitement spécial », parce qu'il avait estimé que nous ne faisions pas partie de sa famille
Ma mère n'était pas, non plus, particulièrement tendre.
Ils possédaient, pourtant, un point commun:, Ils ne connaissaient pas, ni l'un ni l'autre, l'usage du baiser.
Je ne me souviens pas avoir été embrassé , une seule fois, dans ma vie.
En revanche, j'ai dû m'asseoir , par inadvertance, sur les genoux de ma mère qui m'a repoussé violemment en disant « Qu'est ce qu'il est collant ce gosse là »
Rappelée à l'ordre par ma grand-mère , choquée par son attitude, elle fut de suite recadrée…. ….
Il fallait se résigner à vivre sans affection, donner soi-même les réponses à tous les problèmes qui se posaient,Remplir le rôle de la défense, l'accusation, des parties civiles et du Procureur de la République.
En fait, j'avais besoin d'une voix pour m'indiquer le chemin.
Me frayer un passage, à travers des chemins caillouteux
J'avançais à tâtons dans ce désert sablonneux et je ne trouvais,
personne pour m'indiquer la route.
C'était un labyrinthe perpétuel. Je comparais volontiers cette situation à celle de Prométhée qui possédait un foie, sans cesse renaissant, pour être dévoré, d'une façon permanente.
La seule parole aimable de mon père fut le jour où il m'a dit « C'est drôle, il y a des jours où je t'aime bien, et des jours où tu me dégoûtes »
C'était sa façon de faire des compliments.C'est le seul souvenir, moins dévastateur que j'ai gardé en mémoire,
Je débusquais la parcelle d'amour de cette phrase, comme un cochon qui renifle les truffes, sans se rendre compte de l'odeur pestilentielle qu'il laisse derrière lui.
Le pire, c'est que j'étais démuni, moi-même, de chaleur humaine
Quand des personnes venaient vers moi, pour m'embrasser,
je leur tendais la main, comme si c'était un outrage d'accepter une telle familiarité,
Mon père n'embrassait pas, il tendait la joue mais il ne rendait jamais.
Pour notre plus grand bonheur, il avait élu domicile chez son frère Simon et ses apparitions à la maison se faisaient de plus en plus rares.
Lui, qui imposait le silence dès son arrivée, pouvait parler en permanence à son frère préféré, cette affection semblait d'ailleurs réciproque,
Bref, tout le monde y trouvait son compte !
Très soucieux de la qualité de vie de mon père, son frère avait même proposé de lui ouvrir une galerie de peinture, afin qu’il puisse exercer son talent et s'épanouir en toute quiétude
Ne voulant rien devoir à personne ,mon père avait catégoriquement refusé.
Il aimait bien cependant recueillir les différents avis , quand le tableau était terminé.
Lui qui paraissait si avare de compliments, sollicitait continuellement son entourage
Il avait même demandé, probablement par inadvertance, à ma mère « Qu'est ce que tu en penses ?
Pour toute réponse, elle répondit « Qu'est ce qu'il me fait comme saletés, celui-là. » Ni l'un ni l'autre ne semblaient prédisposés à faire des compliments :
Moi même, quand j’annonçais un succès ou une promotion, ma mère rétorquait invariablement « Et alors, qu'est ce que ça va te donner ? » Elle possédait l'art et la manière de décourager tout le monde, on finissait toujours par se dire
« à quoi bon ! »La motivation reste cependant le moteur essentiel de l'énergie, mais devant une telle inertie, je baissais les bras .