Dominique de Montvalon, rédacteur en chef au Journal du Dimanche, décrypte l'actualité politique. Cette semaine, il évoque la stratégie de Manuel Valls.
http://www.lejdd.fr/Politique/La-politique-en-coulisses-a-gauche-un-recours-nomme-Manuel-Valls-723572
Si les sondages ne sont pas désavoués par les électeurs, les 22 et 29 mars seront, pour la gauche, deux dimanches noirs. D’autant que la gauche se présente très divisée. Mais, quoiqu’il arrive, un, homme aura, à gauche, marqué cette non-campagne des départementales de son empreinte: Manuel Valls. Jusqu’au bout, soir après soir, seul ou presque de son espèce, il aura tenu meeting sur meeting. Mouillant la chemise, comme on dit. Et s’efforçant de persuader les salles qu’il faut se battre, que tout n’est pas joué. La cible principale de Valls : le Front national, le Front national, le Front national.
Ne soyons pas dupes. Tenter de remobiliser ainsi l’électorat de gauche, c’est éviter de parler des sujets qui fâchent son camp, et même qui le divisent : la loi Macron, la croissance en panne, la réduction de la dette, les choix ou les non-choix sociaux. En même temps, fidèle à son tempérament, Manuels Valls appelle un chat un chat. Il n’invente pas un "danger" imaginaire : le FN –devenu un parti attrape-tout- peut parfaitement atteindre la barre des 30% des suffrages exprimés, voire la dépasser. Ce serait un événement.
Comme le dit Jean-Marie Le Guen, le bras droit de Valls, il est donc largement temps que les politiques prennent acte qu’on a changé d’époque. Face au Front national, la droite doit donc cesser de pratiquer la politique du "déni" et la gauche en finir - c’est toujours Le Guen qui parle - avec "l’instrumentalisation" des frontistes. Car le Front, désormais, échappe à ceux qui voulaient le manipuler et s’en sont servis.
Le parler-cash de Valls
Le premier mérite de Valls, même s’il n’était ni très pertinent ni très efficace de proclamer sa volonté (je cite encore) de "stigmatiser" le FN, c’est d’avoir dit tout haut la vérité sur le FN 2015, et que le parti d’extrême-droite était là, bien présent, pas dans les marges, et là pour longtemps. Avec Valls, quitte à être parfois brutal, on dit les choses, on ne les contourne pas. On parle cash. De même avait-il souligné, à juste titre, à quel point la menace terroriste pesait sur la France et sur les démocraties - on pense à ce qui se vient de se passer tragiquement à Tunis - et que, du coup, la vie politique ne pouvait plus être la même qu’avant.
L’autre habileté de Valls, c’est de s’être installé au cœur de la vie politique. Tous s’en prennent aujourd’hui à lui: le PC, les frondeurs, l’extrême-gauche, Mélenchon, Cécile Duflot, Nicolas Sarkozy , Marine Le Pen et beaucoup d’autres. Tant d’attaques venues de partout, et voici le minoritaire Valls en position centrale, donc objectivement valorisé.
C’est bien simple : s’il y avait demain une primaire à gauche –mais on n’en parle plus- ou si Hollande choisissait de changer de Premier ministre - mais il l’exclut - Valls apparaîtrait à ce moment-là pour ce qu’il est devenu : pour la gauche, un recours. Mais pas sûr qu’à gauche on ait envie que ce scénario soit testé. Du coup, à mi-voix, beaucoup de ceux qui sont pourtant allergiques à Valls murmurent ces temps-ci : "Bon, tant qu’à faire, mieux vaut qu’il reste à Matignon!"