Cycle : Préhistoire, préhistoriens, Préhistoriques : naissance, pratiques et imaginaire de la Préhistoire au XIXe siècle
Préhistoriens. La Préhistoire entre aventure individuelle et indifférence des pouvoirs publics
En France, du Second Empire à la Seconde Guerre mondiale, la Préhistoire fut l’affaire de tout un chacun. Son institutionnalisation, c'est-à -dire la transformation d’une réalité sociale en une structure régulée (reconnaissance académique, encadrement des pratiques, protection du patrimoine archéologique), mit un siècle à se mettre en place. Ce cours portera sur l’analyse de cette spécificité française.
Dès la fin de la première moitié du XIXe, les préhistoriens commencent à être scientifiquement reconnus et leur science légitimée. Les découvertes se multiplient au point d’alimenter un marché national et international d’objets. Le nombre des périodiques spécialisés, des musées et des sociétés savantes consacrés à la Préhistoire ne cesse de croître. Pourtant, aussi florissante soit-elle, cette communauté demeure dans une espèce de marginalité officielle, comme en témoigne son absence de position académique. De même, contrairement à la plupart des pays européens, la France tarde à encadrer les pratiques de terrain et à prendre des mesures pour protéger les gisements et les pièces mises au jour.
En réalité, les préhistoriens eux-mêmes rejettent toute idée de réglementation des fouilles, qu’ils perçoivent comme une entrave à leur liberté de recherche. Cette opposition va trouver son point d’orgue en 1910 lorsqu’ils contesteront, avec le soutien de la grande presse d’opinion et le réseau des Sociétés savantes, le premier projet de loi sur l’archéologie préhistorique.
Ce n’est qu’au cours de la Seconde Guerre mondiale qu’une loi, accompagnée de la mise en place d’un cadre administratif de sauvegarde du patrimoine et de développement de la recherche, viendra encadrer ces pratiques et transformer ce qui n’était encore qu’une réalité sociale en une structure régulée.
Par Arnaud Hurel
Historien des sciences, Ingénieur de recherche, Membre associé du Centre Koyré en Histoire des sciences et des techniques
département de Préhistoire, Muséum national d'Histoire naturelle