Ce projet est né d’une fascination pour la figure et le destin de la chanteuse Billie Holiday, confrontée sa vie durant aux violences sociales, aux préjugés raciaux mais aussi sexistes. La reconnaissance de son talent ne parviendra pas à effacer la détresse initiale, ni à sauver Billie de la déchéance. Nourri des faits et fables tirés des mémoires de Billie : Lady sings the blues, Neige Noire ne chante que la « note bleue », celle de la vie : « Parler de la douceur, drôle de pari pour moi, dont la vie est jonchée de crevasses. ». Dans cette partition biographique, scènes et récits – tantôt réels, tantôt fictifs – sont entrelacés avec les airs, les chants, repris du répertoire de Billie Holiday.’ai imaginé Billie Holiday à 13 ans, autodidacte de jazz, écoutant les disques de Louis, Armstrong et de Bessie Smith sur le vieux gramophone d’un bouge... J’ai écouté sa voix dont les fêlures racontent les douleurs d’une vie cabossée; j’ai eu envie de suivre les pas de cette femme hors du commun qui malgré ses blessures est devenue l’une des plus célèbres chanteuses de jazz.
Le spectacle évoque cette recherche de la femme libre que Billie Holiday a toujours rêvé d’être. On a fait d’elle parfois une chanteuse de « bluettes », mais si on tend l’âme, ces « bluettes » deviennent de vrais poèmes d’amour qui déchirent le cœur. J’ai voulu, à travers le destin de Billie, évoquer à la fois cette quête d’amour et la difficile rencontre avec l’autre, l’homme.
Et puis arrive la chanson Strange Fruit, ballade écrite par un Juif new-yorkais : au péril de sa carrière, de sa vie, Billie en fait sa chanson emblématique, son étendard contre le racisme. Ce spectacle est un hommage au talent d’improvisatrices de toutes les femmes qui ont marqué l’histoire du jazz, et qui très jeunes étaient sur les routes : Bessie Smith, Alberta Hunter, Mildred Bailey, Lily Green. C’est aussi, un hommage à toutes celles que l’on a privées de leur enfance. Puissions-nous, le temps d’un swing, oublier l’abjection et rester suspendus à la « note bleue ».