En 2006, l'artiste plasticien Philippe Mayaux nous a régalés d'un festin dont nos papilles n'avaient jamais osé rêver. Babas, savarins, macarons… Miam ! Servis sous cloche, comme dans un grand restaurant, sauf que le couvert était dressé au Centre Georges Pompidou, à Paris, pour un public de connaisseurs conquis. Mais, regardé de près, l'effet d'optique s'évanouissait pour laisser l'œuvre dans sa réalité crue, soudain chargée d'une tout autre saveur… Des mamelons, des doigts, des nez, des sexes, des organes en veux-tu en voilà. Une orgie de morceaux de choix arrangés entre génoises, ganaches et coulis, pour rendre ces mets irrésistibles. Et ils le sont, puisqu'on salive. Bien que terriblement dérangeants, aussi. Mayaux, ce faisant, délivre en effet une œuvre Savoureux d'elle (qui comprend la série Savoureux de toi) qui franchit la crête de la transgression. Celle qui sépare l'art de l'érotisme – une autoroute qu'empruntent les artistes depuis la nuit des temps –, mais surtout celle qui permet de basculer vers le tabou ultime : l'anthropophagie.
Bizarre... Et l'on fait bien de se demander pourquoi. Ce « toqué » de Mayaux nous éclaire sur le sens de ces petits plats cannibales avec une autre œuvre : Reconstruction. Une vitrine de morceaux de corps de l'être aimé. L'idée lui en est sinistrement venue après le 11 septembre 2001 en apprenant le travail caché, mais non moins titanesque, des secours qui a consisté à collecter les restes des victimes soufflées durant l'explosion des tours jumelles et à les rendre aux familles… Aimer l'autre, même en pièces. Bon, sinon, vous reprendrez bien un petit gâteau, non ?