L’économiste Philippe Herlin a comparé le coût d’un plein de gazole au salaire d’une personne au Smic. Depuis 1993, faire le plein pèse de plus en plus sur son budget, mais la situation s’est améliorée par rapport à 1965. A l’époque, un plein coûtait le dixième du salaire minimum.
La flambée du prix du gazole à la pompe alimente de nombreuses polémiques à l’approche de la journée de blocage du 17 novembre organisée par des automobilistes en colère. Mais sommes-nous vraiment à un plus haut historique ?
Le prix du gazole a baissé en euros constants…
En dépit de la hausse de ces derniers mois, certains observateurs font valoir que le prix du gazole a baissé en euros constants. C’est-à-dire en prenant en compte la baisse de la valeur de la monnaie. Son prix aurait même été divisé par deux depuis 1980.
L’économiste Philippe Herlin, professeur au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam), critique cette présentation. « Leur erreur consiste à s’appuyer sur les prix constants, c’est-à-dire passés à la moulinette de l’indice des prix de l’Insee qui donne plus de pouvoir d’achat qu’en réalité. » L’économiste considère en effet que le mode de calcul de l’Insee sous-estime l’inflation.
… Mais il pèse davantage dans les budgets
Dans l’ouvrage qu’il vient de publier, « Pouvoir d’achat, le grand mensonge », Philippe Herlin décortique l’indice des prix de l’Insee qui ne prend pas en compte les prix de l’immobilier (le logement ne compte que pour 6% dans cet indice) et minore le prix de 25% des produits en tenant compte de l’effet qualité : un smartphone d’aujourd’hui rend plus de services qu’un téléphone mobile donc son prix est révisé à la baisse dans l’indice.
Quinze pleins de gazole avec un Smic
Pour trouver le « prix réel » du gazole, Philippe Herlin préfère comparer le prix d’un plein de 50 litres au salaire minimum. Autrement dit : que coûte à un salarié au Smic de remplir le réservoir de sa voiture ? Actuellement, cela lui coûte 6,4% de son salaire. Ce qui est une hausse bien réelle puisque le plein équivalait à 5,3% de son salaire en 2007 et seulement 3,7% en 1993. Mais, sur la longue période, l’effort financier que représente un plein de gazole a effectivement baissé. Il représentait plus de 10% du salaire minimum en 1965. « Il y a eu une forte baisse dans les années 60, années où le pouvoir d’achat progressait réellement, analyse Philippe Herlin. Mais dans les années 2000, la hausse s’est accélérée. » Depuis 2015, la fiscalité écologique s’est ajoutée à ce phénomène.