Le Boléro de Ravel par l'Orchestre national de France

France musique 2021-01-07

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Sous la direction de Dalia Stasevska, l'Orchestre national de France joue le célèbre Boléro composé par Maurice Ravel en 1927-1928.

« Mon chef-d’œuvre ? Le Boléro, voyons ! Malheureusement, il est vide de musique. » Par-delà le sarcasme, Ravel signifiait l’originalité de son projet et le défi lancé : donner à la répétition, cause ordinaire de la banalité et de l’ennui, le pouvoir de mobiliser l’attention et l’imaginaire de l’auditeur en invoquant des forces obscures, par l’efficacité toute primitive de la scansion et de l’amplification inexorable par empilement successif d’instruments, jusqu’à la dissolution finale. Étrangement, ce qui aurait pu susciter un scandale mémorable fut reçu au contraire avec un enthousiasme non démenti jusqu’aujourd’hui, et l’extraordinaire originalité de cet objet sonore dans le monde musical de la fin des années 1920 captiva d’emblée le public. C’est la danseuse Ida Rubinstein qui est à l’origine du projet : elle commande à Ravel un « ballet de caractère espagnol et qui serait intitulé Fandango », Ravel décidant finalement d’écrire une pièce originale, sur un rythme de boléro. Du boléro traditionnel, il conserve l’essentiel : la pulsation immuable et les méandres de la mélodie.

La puissance de l’œuvre tient bien sûr à la variation des timbres et à l’apparition successive d’une multitude de solistes reprenant à leur tour l’unique mélodie. Au-delà même de la fascination purement physiologique que suscite, dans Le Boléro, l’alliage de régularité et de ruptures infimes et savamment contrôlées du mécanisme, Ravel semble invoquer ici les puissances les plus sombres. Le véritable moteur de l’inquiétude semble la découverte extrêmement progressive d’une force immense, imprévisible dans les premières mesures, la maîtrise du crescendo provoquant un effet un peu comparable à celui imaginé par Alfred Hitchcock dans le film Les Oiseaux (1963), où l’héroïne, remarquant sur un arbre derrière elle, sans y prendre garde, un corbeau puis deux, puis trois, ne découvre qu’au dernier moment qu’ils sont cent – et menaçants ! Ravel propose ici une sorte d’énigme sonore, d’autant plus fascinante qu’elle repose sur une apparente transparence formelle.

« Avec une indifférence quasi démoniaque, écrit Willy Reich, Ida Rubinstein tournoyait sans arrêt, dans ce rythme stéréotypé, sur une immense table ronde d’auberge, cependant qu’à ses pieds les hommes exprimant une passion déchaînée, se frappaient jusqu’au sang. Ravel lui-même était au pupitre, soulignant par ses gestes brefs et précis l’élément automatique de l’action scénique, gestes moins appropriés à conduire l’orchestre qu’à exprimer l’immense tension intérieure de la composition. » Bien qu’également d’inspiration espagnole, la Pavane pour une Infante défunte (1911) est d’une tout autre nature musicale : si le projet sonore du Boléro est d’emblée de nature orchestrale, la Pavane dans sa version orchestrale n’est que la transcription d’une pièce originellement composée pour le piano. Rêverie hispanisante, douceur, lenteur, transparence : voilà un Ravel en opposition radicale avec celui du Boléro.

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