En avril 1970, la Chine devenait le 5e pays capable de mettre un satellite en orbite après l’URSS, les Etats-Unis, la France et le Japon. Mais cinquante ans plus tard, Pékin est passé du statut d’outsider à celui de challenger des grandes puissances établies. L’Empire du Milieu dispose désormais d’un accès autonome pour l’exploration de l’espace profond. Ses missions lunaires aboutissent, et nourrissent les ambitions extra-atmosphériques du président Xi Jinping.
Pour tenter de percer le secret du programme spatial chinois, nous avons posé plusieurs questions au chercheur Marc Julienne, responsable des activités Chine, Centre Asie de l’Institut français des relations internationales (Ifri), qui a récemment publié une étude sur le sujet :
- Pouvez-vous rappeler brièvement dans quel contexte est né le programme spatial chinois et quels sont les grands moments qui ont jalonné son évolution jusqu’à aujourd’hui ?
- Vous évoquez les trois piliers de la doctrine spatiale chinoise, qui sont d’ailleurs un peu les mêmes pour toutes les grandes puissances : le développement national, le renforcement du pouvoir militaire et la compétition entre grandes puissances. Pouvez-vous spécifier ce que recouvre chacune de ces trois branches ?
- Une spécificité du programme spatial chinois réside dans son haut degré de centralisation politique sous la direction du comité central du Parti communiste. Dans quelle mesure le contrôle qu’effectue le gouvernement central, par l’intermédiaire de l’Etat et de l’Armée, sur toutes les entreprises du secteur spatial, relativise-t-il l’idée d’un « new space » chinois ? Et est-ce un frein, finalement, pour les ambitions chinoises, lorsqu’on voit que de l’autre côté du pacifique ont émergé des acteurs comme SpaceX ou Blue Origin qui portent, d’une certaine manière, l’écosystème privé du secteur ?
- Vous dites que compte tenu de l’avenir plus qu’incertain de la Station spatiale internationale vieillissante, le laboratoire spatial Tiangong-3 pourrait devenir un tournant pour la Chine dans sa quête de puissance. Est-ce que très concrètement cela veut dire que les Chinois pourraient, dans les prochaines années, ravir le rôle de leader de la coopération scientifique en matière spatiale aux Américains ? Et le cas échéant, quelles pourraient être les conséquences de ce nouveau leadership ?
- Dans le cadre de la modernisation de son armée, Xi Jinping s’appuie de plus en plus sur sa stratégie de fusion civilo-militaire, qui vise à inciter les entreprises privées à développer des technologies pour le secteur de la défense. Depuis quand cette convergence a-t-elle été initiée et permet-elle à Pékin de rattraper son retard technologique sur Washington notamment ?
- En janvier 2019, Pékin a opéré le premier atterrissage sur la face cachée de la lune. En juillet 2020, la Chine a lancé une mission pour se poser et déployer un rover sur Mars. En décembre 2020, elle prélève un échantillon lunaire. Autant de projets qui ont, certes, un impact important sur le plan médiatique, mais que disent-ils véritablement des progrès réalisés par Pékin sur les plans scientifique et technologique ?
- Pékin est de plus en plus actif au sein des arènes internationales. Son comportement est plus pragmatique qu’idéologique si l’on considère ses prises de position. Vous évoquez dans votre étude deux sujets qui comptent pour la diplomatie chinoise : l’exploitation des ressources spatiales et la militarisation de l’espace. Quelle est la position de Pékin sur ces deux sujets et comment manœuvre-t-il, au sein de l’ONU particulièrement, pour défendre sa vision et ses intérêts ?
© IMAGES : Sipa Press, CGTN, CNSA, Beidou, AA VFX, The Wall Street Journal, NASA
© MUSIQUES : Isolated - Gedanken, Aries Beats - Chill Trap, Kring - Wowa