« J'ai accepté parce que je connais ma situation. Si t'as pas de papiers, tu fais tout ce qui est difficile, toute la merde, t'as pas le choix». D’une voix posée, Gaye, un ouvrier malien sans-papiers témoigne des conditions dans lesquelles il a travaillé pendant plusieurs mois sur l’un des chantiers des futurs sites olympiques. Le 26 septembre dernier, lorsque des inspecteurs du travail font irruption dans le centre aquatique de Marville (Seine-Saint-Denis), « le patron m'a dit : « Tu ne reviens plus ! » », explique ce Malien de 41 ans, dont cinq passés en France. Dans un autre témoignage recueilli par l’AFP, Moussa décrit lui aussi ses conditions de travail : « [Le début de journée se fait à 8h, ndlr] Mais il y a des moments, on va jusqu’à 19h, jusqu’à parfois 20h. Il y a des chantiers où je travaille jusqu’à 20h. Si tu dis que tu ne veux pas rester, ils vont te faire du chantage, ils vont te dire : « soit tu restes, soit tu prends tes affaires.» ». A quelques mois des JO 2024 à Paris, qui doivent être la vitrine de la France en 2024, la présence de cette main d'œuvre illégale est devenue un enjeu de crispation politique et d'exemplarité sociale. Signe que le sujet inquiète, l'inspection du travail a créé une unité spécialisée qui a contrôlé près d'un site par jour depuis deux ans. Du jamais-vu. En juin dernier, neuf travailleurs irréguliers avaient été identifiés sur un chantier dont le maître d'ouvrage la Solideo (Société de livraison des ouvrages olympiques) … qui l'établissement public chargé de la construction des sites. Au même moment, le parquet de Bobigny ouvre une enquête préliminaire notamment pour « travail dissimulé » et « emploi d'étranger sans titre en bande organisée ». « On a écrit au procureur de Bobigny pour dire qu'on souhaite se joindre aux procédures contre les employeurs indélicats", a déclaré le directeur général de la Solideo, Nicolas Ferrand, rappelant la "volonté d'exemplarité des chantiers olympiques ». Lorsque le sujet s'est posé pour la Solideo, « on a immédiatement pris les dispositions qui s'imposaient », en résiliant le contrat du sous-traitant incriminé mais aussi du géant du bâtiment qui y avait recours, explique Antoine du Souich, directeur de la stratégie et de l'innovation. Depuis, l'établissement public a « renforcé ses procédures », insiste-t-il. Cette toile du travail illégal est tissée par une « nébuleuse d'entreprises turques » sous-traitantes, observe Jean-Albert Guidou, de la CGT Seine-Saint-Denis. Un « système qui marche à plein tube », avec des sociétés qui se placent en liquidation dès qu'elles sont inquiétées, décortique le syndicaliste, a déjà accompagné une trentaine de travailleurs des JO dans des procédures de régularisations, certaines déjà obtenues.