Saisons sans voix Yeline Stephan Impro E Lelouch
yveline stephan in Saisons sans voix Ed L'harmattan;
Anniversaire.
"..... Devant moi, près de la machine à coudre et des piles de tissus " les urgents". près de la table immaculée et dorée où attendent le "chale" et le vin pour le "kiddush". devant moi, immense et noir : un piano.
Un vrai piano, comme celui de monsieur Lewin, un piano avec des bougeoirs aussi beaux que la Menora aussi étincelants que la Hannoukia le soir de la Hannouka...
nous nous regardons tous les quatre. je ne sasi lequel d'entre nous est le plus ému, le plus fier.
- Je peux toucher?
Elles sont toutes là, les petites sirènes noires et blanches, mystérieuses et magiques.
Qui a dit? - vas y donc mon petit, c'est pour toi.
S'approcher doucement, effleurer les petites fées, ne pas les brusquer, les caresser, les amadouer, les apprivoiser. Enfoncer un doigt puis un autre sur les touches silencieuses, leur arracher leur secret.
Brusquement, le son jaillit, éblouissant, miraculeux. les notes s'emboîtent, se cajolent, se répondent complices, amicales ou coléreuses.
Il y a les claires comme l'eau des fontaines, les profondes comme les volcans, les coquines, les suaves, les fragiles comme le pépiement des oiseaux ou comme l'eau de pluie sur les toits, les tristes comme la prière du Kaddish.
Toute la musique du monde à portée des doigts, toutes les images, toutes les émotions dans sept notes de musique.
Mamélé murmure : - Pourquoi pleures-tu mon petit Simon?
- J'entends la musique dans ma tête, mais je n'arrive pas à la jouer!
Maman me serre dans ses bras. Elle rit.
Un rire si doux, si tendre.
- il est doué j'en suis sûre. il faudra lui offrir des cours, pourquoi pas avec monsieur Lewin, il est si gentil, tu le connais déjà, n'est-ce pas Simon?
Des cours? moi Simon, huit ans, fils d'un petit employé jui polonais du XI eme arrondissement, moi Simon je vais prendre des cours de piano!
Où prendront-ils l'argent?
- je me débrouillerai, affirme maman.
Mamélé se débrouille toujours.
- Si tu jouais, ma Bien-Aimée.
Tatélé caresse les cheveux de Maman... sa Bien- Aimée. Papa nous appelle tous ses Bien-Aimés. Mamélé rougit à chaque fois que Tatélé l'appelle ainsi.
Elle rougit souvent.
Elle s'assoit devant le piano. Moshé et moi nous nous regardons étonnés, éberlués, nous ne savions pas que maman avait appris le piano....
sa tête est inclinée, ses yeux sont fermés. ses amins sont posées, les doigts écartés sur ses genoux.
Elle attend, elle se rappelle.
Nous écoutons le silence.
Même Moshé, un futur orateur d'après Maman, est silencieux.
La fenêtre est ouverte, les toits de la ville, les oiseaux sont à l'écoute. Nous sommes dans une bulle de verre, à l'abri du monde.
Tout à coup, les mains ambrées volent, les notes jaillissent, éclatent.
Comme des fruits rouges."